Livre neuf. Les Contes de la Véranda. Si Melville a bel et bien créé avec Moby Dick un monument littéraire, sa modernité - ou le caractère intemporel de son génie - se manifeste de manière plus éclatante encore dans Benito Cereno, et surtout Bartleby. À l'écart de tout héritage ou influence visible (hormis la Bible), ce récit a conservé une force qui continue de nous stupéfier aujourd'hui. Maintes fois livré aux exégèses des commentateurs, scruté, dépecé, disséqué à la lumière de la psychanalyse en particulier, son aura mystérieuse demeure intacte. Melville, grand poète des profondeurs lorsqu'il dépeint Achab ou Benito Cereno, maniant une plume dont l'éblouissante virtuosité n'a qu'un but, cerner la vérité, démonter les rouages du mensonge et de l'illusion, avec Bartleby dénude, simplifie son texte jusqu'à l'austérité : strate après strate, il décape et fait exploser les apparences pour amener en pleine lumière nos réalités les plus enfouies. --Scarbo